Le chemin se fait en cheminant
Nombreuses sont les leçons apprises au long de ma route qui me poussent à créer un espace de liberté, d’accueil de ce qui est en train de se faire pour vivre la rencontre avec Soi en bienveillance.
Voilà pourquoi j’ai créé un cadre pédagogique positif et inclusif pour que les apprenant.e.x.s se sentent libres de vivre ce qu’ielles sont en ce moment dans leurs cheminements lors des activités que je propose.
J’ai été socialisé.e dès ma naissance auprès de congénères mon espèce et depuis petit.e j’essaye de nous comprendre.
Pourquoi nous faisons ce que nous faisons et comment nous devenons des sujets ?
Voilà les deux questions qui me collent à la peau depuis mes 6 ans, quand j’ai découvert que j’étais autre chose et que je n’étais pas ce que je ne savais même pas que j’étais. Compliqué hein ?
J’ai compris ce que voulais dire être « une fille » dans le préau de l’école. Sans mettre de mots dessus, je savais que je n’étais pas une fille, sans pour autant savoir ce que j’étais. A vrai dire, aujourd’hui je sais que je ne peux pas choisir entre deux positions. Je suis à geometrie variable, même si à l’époque je n’avais pas de mots pour verbaliser cela.
Je me souviens d’avoir arrêté de jouer et d’avoir commencé à mettre tout ce que ne collait pas sous le tapis. Je me suis coupé.e d’une partie de moi-même. Depuis ce moment, j’ai l’impression que j’ai survécu grâce à ma capacité de rationnaliser.
Un jour de ma pré-adolescence, la sentence sociale de ce que j’étais paraissait tellement irrévocable que j’ai arreté de “me parler” de ça ; ce dialogue interne a cessé d’exister.
J’ai compris que malgré les différences des préaux d’école, je me retrouvais dans les mêmes situations : je voulais jouer au foot avec les garçons qui ne voulaient pas de moi.
J’essayais de m’intégrer chez les filles mais je n’avais pas grand-chose à dire ou échanger avec elles.
Je mangeais souvent seule à la cantine à midi. Des fois, d’autres « marginalisé.e.s » me rejoignaient brièvement.
Tôt dans ma vie, j’ai reçu des étiquettes : fille robot (à cause de ma façon de parler et de ne pas sourire tout le temps), lèche-bottes (parce que le respect de règles a toujours été important pour moi), nerd (parce que j’étais souvent la première de la classe).
Cela m’a choqué ! Réellement et profondément choqué : blocage, dissociation, stress post-traumatique, Puis, un jour j’ai compris que je pouvais imiter pour me camoufler dans la masse et créer des stratégies pour survivre dans la jungle de la « normalité ».
Je m’en suis plutôt bien sorti.e et la majorité de gens n’ont jamais douté que j’étais dans la norme. Moi-même je le pensais car je n’avais pas les mots qui me permettaient de dire ce que je vivais à l’intérieur. Quelques fois, des personnes qui partagent mon quotidien me signalaient des « bizarreries » tout de même : Pourquoi tu te balances? Tu te répètes ! Tu as oublié de manger et de boire ! Change de sujet, t’as pas remarqué que personne est intéressé par ce que tu dis ? »…
J’ai appris à sourire, à porter les habits sociaux dont j’avais hérité de la culture dans laquelle je vivais, mais les questions de départ m’obsédaient toujours autant. Pourquoi nous faisons ce que nous faisons et comment nous devenons des sujets ?
C’est en lisant Freud que je me suis rendu.e compte de l’arbitraire culturel grâce auquel la psychanalyse est devenue une des normes pouvant expliquer les « anormaux ». Cela m’a fait prendre conscience que si je voulais élucider mes questions existentielles, il me fallait aller à la fac pour étudier l’Histoire. Du coup, je suis devenu.e enseignant.e de cette discipline qui m’a beaucoup apporté !
Et c’est à ma troisième année de mon bachelor que j’ai fait la rencontre avec la pensée de Michel Foucault. Cela a bouleversé ma vision des normes et m’a donné envie d’apprendre davantage sur la psychologie sociale, la sociologie, l’anthropologie et la philosophie.
Après un master conclu et un doctorat inachevé je ne suis pas encore satisfait.e des réponses trouvées pour l’instant. Celles qui résonnent le plus en moi ce sont celles suggérées par le sociologue Bernard Lahire.
Dernièrement, je m’intéresse à comment les concepts de la physique quantique pourraient éclairer mes deux questions existentielles ! Saviez-vous que c’est en obligeant un électron à prendre position qu’il le fait ?
Ce que j’ai appris avec mes 8 ans d’études universitaires dans le domaine des Sciences Humaines c’est que je ne suis que passage, que les cultures naissent et meurent. Tout est mouvement. Seulement, à l’échelle du temps humain certains changements sont imperceptibles, et d’autres flagrants. Même si pour certain.e.x.s le temps n’existe pas , il nous précède et dure après nous (Klein 2021). Dans sa course, le privilège de vivre sur notre planète n’est qu’un battement de cils.
Comme tout humain vivant actuellement avec les pieds-à-terre et non pas la tête sur des nuages artificiels numériquement paradisiaques, je constate la vulnérabilité de la Terre. Les limites planetaires tombent à mesure que la science avance dans la mensuration des changements complexes que nous vivons ces jours.
Étant de passage, j’ai envie de cheminer aligné.e avec mes valeurs éthiques et que cela soit au service de la Vie. Et pourtant, face à la grandiosité de l’Univers, et le besoin urgent de prendre soin de la Terre je sais que je suis un.e minuscule humain.e.
La bonne nouvelle c’est que je ne suis pas seul.e. Individuellement, collectivement nous pouvons co-créer des nouvelles voies créatives, intelligentes et spirituelles pour imaginer une polyculture des possibles.
Dans une dynamique diachronique et asynchronique, vous et moi, ensemble, nous défions les prédictions annonçant les catastrophes à venir.
Mon parcours dans la transition intérieure et écologique a été parsemé de magnifiques rencontres qui m’ont aidé à acquérir la sécurité intérieure pour accepter ce qu’il EST.
Par la suite de l’acceptation est venu la possibilité de changer, par des actions, « le comment » je compose le NOUS vis-à-vis de la diversité des vivants et non-vivants.
Puis je me suis rendue compte que je n’avais plus le temps de philosopher, le futur c’est maintenant !
Quand j’étais enseignante, mon plus grand bonheur c’était quand je pouvais apercevoir cette lumière particulière qui s’allume dans le regard d’un enfant quand il apprend quelque chose. Je l’ai vu sur des visages ridés au Brésil, sur les lèvres des « presque plus bébés » dans les nurseries lausannoises.
Voilà mon chemin : créer, transmettre et accompagner des projets éco-utiles.
Le chemin se fait en cheminant…
« Caminante no hay camino, se hace el camino al andar !